Chers Frères et Sœurs, très chères familles de nos sept frères martyrs.
La Mémoire de nos sept frères de Tibhirine nous rappelle qu’ils sont déjà membres de cette foule immense des enfants de Dieu groupés autour du Christ Ressuscité, du Christ-Roi. Ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau.
Ce que nous contemplons aujourd’hui alors dans la foi, c’est la communauté, c’est le peuple de ceux qui nous attendent et nous espèrent dans la ferveur de leur amour, façonné par la Parole du Seigneur, réalisé parfaitement sur la terre adoptive et promise.
Oui, toutes les œuvres et les talents et les charismes personnels de nos sept frères martyrs sont bien peu de chose si on les compare à cette fidélité communautaire, quotidienne, à la Parole du Seigneur : Parole reçue, ruminée, méditée, vécue, donnée, échangée, réservée, cultivée. Oui les frères martyrs ont voulu donner à la Parole de Dieu et à toute parole humaine, la dignité qui lui revient. Ils se sont mis à l’unisson particulièrement avec cette Parole : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ».
« Une fois que nous avons connu la Parole de Dieu, disait Madeleine Delbrel, nous n’avons pas le droit de ne pas la recevoir, une fois que nous l’avons reçue nous n’avons pas le droit de ne pas la laisser s’incarner en nous, une fois qu’elle s’est incarnée en nous, nous n’avons pas le droit de la garder pour nous ». Cette incarnation de la Parole de Dieu en nous, cette docilité à se laisser modeler par elle, c’est ce que nous appelons le « témoignage », « martyre ».
Pour prendre la Parole de Dieu au sérieux et suivre nos frères martyrs de Tibhirine, dans cette transformation intérieure, il nous faut toute la force du Saint Esprit. L’Esprit bien sûr, ne vient pas nous enchaîner, il vient pour nous libérer et transformer notre quotidien selon la Parole du Seigneur. Il vient et il nous demande une collaboration, rien d’autre que nos gestes habituels : ouvrir la Bible. Ce geste, Frère Christian, Christophe, Paul, Michel, Bruno et Luc, Célestin, l’ont fait tant de fois ; et après, lire, méditer, noter peut-être, prier. Voilà ce qu’est la rencontre transformante avec l’Esprit Saint, dans les monastères ordinaires.
Il devient notre hôte intérieur et nous aide à se laissés modeler par la Parole, tellement exigeante, héroïque. Il nous aide à trouver force et courage dans la fatigue de l’action. Il est notre maitre dans l’école de Saint Benoit qui a dit que la vie chrétienne est signifiée par une Parole vécue et sa mise en pratique. « N’ayez pas peur ». Ces gens transformés par la Parole, vêtus de robes blanches avec des palmes à la main, nous assurent : rien de ce qui arrive dans le temps, aucunes des peines que nous avons prises, aucunes des souffrances que nous avons subies dans ce monde, ne seront perdues. Tout servira à rendre un culte à Dieu et tournera à notre joie éternelle ; tout sera bien, tout sera bien.
Frères Martyrs de Tibhirine, enseignez-nous à persévérer dans l’écoute de la Parole, à être dociles à la voix de l’Esprit, attentifs à ses appels dans l’intimité de notre conscience et à ses manifestations dans les évènements de l’histoire. Aidez-nous à rendre toujours compte de l’espérance qui est en nous.
Ayons confiance en la bonté de l’homme, même en la bonté de tous les amis de la dernière minute, en l’amour du Père de tous les hommes. Amen.